Le futur de l’éducation au Burkina Faso : bilan et perspectives

Le plus grand atout pour le développement de l’Afrique en général et du Burkina en particulier est son capital humain. Investir dans l’éducation de sa population est sans nul doute l’investissement le plus rentable qui aura forcément un impact positif sur le développement.

Depuis les indépendances, le Burkina Faso a entrepris moult réformes afin de rendre son système d’éducation plus performant et compétitif. Malgré ces efforts déployés aussi bien par l’État que les différents partenaires, ce système reste assez peu développé. Une forte proportion de la population vit encore dans l’analphabétisme (à peine 40% de taux d’alphabétisation). On constate une disparité entre le milieu urbain et rural où les enfants ont un taux de scolarisation plus faible dû souvent à la pauvreté et cela a un impact sur la répartition des ressources mises en place pour améliorer le système ; en effet, le milieu urbain en consommerait sept fois plus que le milieu rural.

Pour pallier ces carences, le système éducatif burkinabè est structuré en différents types : éducation formelle, non formelle, informelle et spécialisée afin de toucher toutes les couches de la population de sorte que le manque d’éducation ne soit plus un frein au développement.

Dorénavant, on note de considérables améliorations par rapport aux précédentes années avec le taux d’alphabétisation qui a considérablement augmenté ces vingt (20) dernières années ainsi que le taux de scolarisation des filles (la parité filles/garçons scolarisés a été atteinte depuis 2013 d’après les chiffres de l’UNICEF). Des innovations sont de plus en plus mises en place afin d’adapter le système éducatif aux réalités du marché de l’emploi. Entre autres, l’introduction de nouveaux manuels scolaires mieux adaptés, la construction de nouveaux établissements scolaires afin de résoudre la question de surpeuplement dans les salles de classe. En outre, avec l’avènement du numérique, l’accessibilité aux connaissances est dupliquée avec la mise en place de différentes plateformes offrant une base de données riche et pratique à l’apprentissage.

En août 2012, le pays a adopté le programme de développement stratégique de l’éducation de base qui a pris fin le 31 décembre 2021. Les objectifs principaux de ce programme étaient, tout d’abord, d’intégrer l’équité des genres entre les élèves, puis d’accroître le taux de préscolarisation et d’accélérer l’alphabétisation des populations en se concentrant sur la base, c’est-à-dire les plus jeunes (9 à 15 ans).

Avant cela, en 2005, au niveau universitaire, il y a eu la mise en place du système LMD (Licence-Master-Doctorat). Cette réforme a eu pour but de promouvoir la reconnaissance internationale des diplômes et d’encourager les échanges à l’international et d’être plus pragmatique dans les approches pluridisciplinaires. Pour rappel, différents acteurs sont impliqués dans le système éducatif burkinabè. Les principaux ministères en charge sont celui de l’éducation, de l’alphabétisation et de la promotion des langues nationales, le Ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation et le ministère de la Jeunesse et de la Promotion de l’Entrepreneuriat et de l’Emploi. Les partenaires sont entre autres l’Agence française pour le développement (AFD), l’UNICEF et l’UNESCO ainsi que des organisations non gouvernementales (ONG) d’initiatives privées.

Au Burkina Faso, l’éducation formelle est la plus répandue. En effet, aujourd’hui l’accès à l’école est plus facile grâce aux nombreuses politiques qui ont été adoptées pour favoriser ce fait, notamment la gratuité de l’enseignement au post primaire et au primaire et la sensibilisation à l’égard des parents qui a porté ses fruits. Des chiffres viennent en appui de ces allégations. Par exemple, pour l’année 2020/2021, le plus grand effectif des élèves scolarisés se trouve au primaire (près de 69%) avec un taux de représentation des filles à 50,2%. Le taux d’accueil est élevé au primaire (97,3% en 2021) et 19,5% au secondaire. L’équité d’accès est établie entre les filles et les garçons avec même un pourcentage plus élevé chez les filles en post primaire. Il y a aussi eu une avancée majeure en termes d’éducation inclusive.

Qui dit scolarisation à grande échelle, parle aussi d’infrastructures en grand nombre. Face à l’insuffisance criarde d’infrastructures, notamment observable en province, l’État essaie, ces dernières années, de concert avec les acteurs non étatiques, de réaliser des écoles. Jusque-là, le nombre d’élèves présent dans une salle de classe est élevé. Il arrive même des fois que des élèves partagent leurs salles de classes avec d’autres élèves. La construction de nouvelles infrastructures éducatives a été entreprise avec un taux de réalisation de 19% au 31/12/2021 d’après le rapport de suivi de réalisation des infrastructures éducatives.

Dans le cadre de la réalisation de complexes scolaires au titre du primaire, le taux d’achèvement est de 97%. Les zones dans lesquelles les réalisations n’ont pu être achevées sont des zones à forts défis sécuritaires ; et dans ces zones difficiles d’accès, l’État a mis en place la réalisation de classes préfabriquées. De plus, ces nouvelles constructions vont de pair avec de nouvelles toilettes permettant aux jeunes filles en particulier de pouvoir continuer à suivre leurs cours en période de menstruation. Il est aussi intéressant de noter que les élèves sont enthousiasmés à l’idée d’avoir de nouvelles salles de classes et d’étudier dans de meilleures conditions, boostant ainsi leur rendement scolaire.

Au-delà du sujet des infrastructures, une autre problématique est à soulever. Le ratio élève/maître est élevé et une différence existe entre l’école privée et le public. Les instances étatiques misent sur la formation du corps enseignant à travers l’organisation de conférences pédagogiques afin de rendre le système plus efficace et l’apprentissage plus fluide. Former le personnel enseignant et encadrant est devenu depuis lors une priorité ; levier essentiel de la qualité de l’éducation. En termes d’avancée technologique, dès 2013, le gouvernement burkinabè adoptait la cyber stratégie sectorielle dans l’éducation.

Cette stratégie devrait permettre d’intégrer les technologies de l’information et de la communication (TIC) dans l’éducation afin d’améliorer sa qualité. L’introduction des TIC est une aubaine pour le secteur de l’éducation. La porte d’accès à ces technologies est la digitalisation des ressources pédagogiques et la mise en œuvre de classes numériques au post-primaire et secondaire, expérimentées notamment pendant la période COVID ; sans oublier l’institut de formation ouverte à distance pour les étudiants. En plus de permettre aux élèves d’avoir l’esprit ouvert sur le reste du monde, d’apprendre de nouvelles choses plus facilement, il permet aux enseignants de continuer à se documenter afin d’offrir un enseignement de qualité aux apprenants.

Ce domaine fait tout de même face à quelques défis et il est prévu comme perspectives, la mise à disposition de ressources humaines compétentes en éducation numérique et de matériels informatiques et la mise en place d’infrastructures adéquates. En sus de l’éducation formelle, l’éducation non formelle prend en compte dans son spectre les adolescents de 9 à 15 ans non scolarisés ou précocement déscolarisés ainsi que les personnes de plus de 15 ans. On dénombre 2370 centres d’éducation non formelle pour adolescents et adultes. La vulgarisation des langues nationales est aussi de mise avec une démarche pédagogique utilisant ces langues dans les espaces d’entraide communautaires afin de n’écarter personne dans le processus de l’alphabétisation. Malheureusement, le rythme d’expansion de ces écoles bilingues est inférieur aux résultats escomptés par manque d’enseignants qualifiés. Par ailleurs, la formation professionnelle a été modélisée et remodélisée avec les années. Il existe de nos jours plusieurs établissements de formation professionnelle tant privés que publics. Au titre des établissements publics, nous pouvons citer le centre de formation professionnelle de référence de Ziniaré (région du Plateau Central) qui dispense des formations dans des domaines tels que la boulangerie-pâtisserie, l’énergie solaire, l’électricité bâtiment, froid et climatisation, mécanique automobile, menuiserie bois et aluminium. Il existe des fonds à ce sujet : c’est le cas du Fonds d’appui à la formation professionnelle et à l’apprentissage (FAFPA). Ce Fonds met en œuvre la politique gouvernementale en matière de formation professionnelle et d’apprentissage.

Les innovations pédagogiques sont de plus en plus nombreuses et visent essentiellement à améliorer l’efficacité et la pertinence des moyens mis en œuvre dans notre système d’enseignement. Toutefois, on note certaines difficultés d’application de ces innovations, notamment l’absence de processus de validation harmonisée, la non-prise en compte des réalités socioculturelles par le projet lui-même ou le porteur du projet. En somme, on note de notables progrès en faveur de l’éducation au Burkina Faso ; toutefois, des efforts considérables restent encore à faire. Les indicateurs d’accès et de qualité du système éducatif ont évolué ces dernières années sans pour autant atteindre leurs cibles. Des engagements plus forts sont attendus, notamment le renforcement du pilotage du secteur éducatif et l’adaptation de l’école aux réalités socioculturelles et économiques. C’est ainsi que le budget 2024 consacré au secteur de l’éducation (préscolaire, primaire, secondaire, supérieur, formation professionnelle et technique) s’élève à 729,6 milliards de FCFA, soit 26,26% du budget de l’État hors financement extérieur.

Stéphanie Son et Cheick Savadogo
Association SUPLAMAR, Burkina Faso